Cette année mon rêve était de voler du sommet du Mt Blanc.Il y avait d'autres trucs comme le fameux et local aller-retour au Bec de l'Orient, raté.
Pour ceux qui pensent que la suite est courte c’est une erreur. Installez-vous confortablement, et si vous en avez le courage, bonne lecture.
La semaine dernière j'ai suivi la météo de très près, les conditions montagnes/vents et au fil des jours le créneau du dimanche matin est confirmé. Il parait que le mieux c’est d’aller voir si ça vole, mais là quand même ça vaut le coup de prendre deux minutes pour assurer le truc.
Un dernier check samedi matin, c'est presque sûr, ça se tente.
Le plan est une montée dans la nuit en partant de la vallée (ou presque) et voler du sommet pour reposer à la voiture. J'espérai des conditions montagnes favorables cet été pour enchainer du dénivelé, raté. Tant pis.
Départ de la maison, à 15h30, arrivée à Bionnassay (1400m) vers 18h30.Des pâtes, une soupe et au lit. Dormir sur un parking en se couchant à 19h est un peu compliqué, surtout quand le parking est la zone de départ de pas mal de randos du secteur, les voitures partent, arrivent, et les heures comme le sommeil ne sont pas suffisantes pour la suite de la nuit/journée.
0h00 réveil, 0h20 départ pour une belle balade de 3400 d+ et près de 19kms.
Les 2400 premiers mètres se font très bien, une attente au couloir du gouter le temps de laisser passer une belle avalanche de pierres, il est 3h, sacrée ambiance !! Le fameux couloir de la mort (terme favori des journalistes en soif de sensations) est passé, il y a réellement 50m de traversée qui se gèrent très bien. Vient ensuite l’ascension de l’éperon du Gouter une face de près de 500m facile mais un peu pénible de nuit, et j’ai sommeil…
5h j’arrive au refuge du Gouter, « merde » trop tôt pour le lever du jour et profiter du lieu. Je m’accorde une longue pose dans la seule salle ouverte du refuge à cette heure, le local crampons piolets…J’aurai bien aimé me mettre au chaud, raté (encore).
Vers 6h30 le jour pointe son nez et moi je mets le mien dehors pour repartir vers le sommet. L’avantage de ce décalage avec les horaires de refuge est la tranquillité du lieu, la foule, limitée à cette période est loin devant.
Dôme du Gouter, abri Vallot, tout bien, à partir de là c’est l‘arrête des Bosses, une longue arête aérienne suspendue entre France et Italie. Malheureusement il a neigé du polystyrène cette semaine, et je commence à croiser des cordées qui redescendent sur les talons. La longue arête se transforme pour les cordées que je rattrape et moi en une trop longue montée en escalier. Bâton à l’aval pour l’appui, piolet à l’amont pour la tenue. Un pas en avant, deux pas en arrière, il y a plein de moment où c’est classe, lors d’une soirée de gala par exemple, mais là c’est pas forcément adapté, la fin de l’ascension est longue, imaginez la montée à l’Allevoux en pas chassés.
Cette arête est malgré tout magique, il y a près de 700m de vide côté Italien, le temps est magnifique, tout bien.
Je suis au sommet vers 10h soit un peu moins de 9h de montée hors grosse pose au refuge, parfait. La moitié du chemin est faite, et quand je pense à la potentielle redescente à pied si ça ne vole pas, je me dis qu’il serait mieux de pouvoir décoller, sinon mon corps et moi allons avoir des heures à venir très douloureuses.
Le vent est un peu fort, mais il y a 4 autres volants qui s’installent. C’est bon signe. Avant tout, profiter de la vue, et imaginer les autres balades alentour. Première fois dans le massif du Mt Blanc, c’est vrai qu’il y a du potentiel….
A 11h environ je suis prêt à partir, c’est sûr je ne descendrai pas à pieds…Déco face nord, la pente est parfaite, je peux décoller sans crampons, ça c’est bien.Le dernier vol avec retrait des crampons à l’air m’a fait découvrir l’appui sellette permanent et une nouvelle façon de tourner en rond, leçon ; en vol il faut enlever ses crampons loin du relief.
Le vent est toujours un peu fort mais très régulier.J’ai encore du mal à lever ma Susi correctement, il y a quand même un truc qu’il faudra que je comprenne un jour. Une voile légère c’est bien à la montée, mais au sol et avec du vent là-haut cette dernière se prend pour Zébulon. Face voile sportif avec une voile qui tourne au moment où moi je me retourne !!! Il me faudra trois essais pour réussir à la stabiliser au-dessus de ma tête.Malgré du temps en pente école dans le vent fort j’ai du mal avec cette voile.
Puis c’est le moment d’une grande découverte, c’est vrai qu’à 4800m l’air porte moins, et Susi ne fait que 21m2 la prise en charge n’est pas immédiate, l’accélération qui suit impressionnante, la ressource ne l’est pas moins, quant à l’abattée elle nécessitera un coup de frein à faire pâlir Kevin Schwantz…
Quelques secondes assez impressionnantes, puis c’est le retour au calme, suivront 45 minutes de grand bonheur, cris et sourires bêtes s’enchainent, mon QI vient de descendre au niveau de celui d’une huitre, trop bien, c’est une forme de drogue et d’addiction pas désagréable ce truc. Un bout de vol au nord en direction de l’aiguille du midi.
J’avais, avant de partir, bien observé les cartes satellites pour prendre quelques repères pour poser au plus près de la voiture, ça c’était une bonne idée ! À encore 4000m il faut que je la retrouve !
Direction le sud, j’ai tout loisir d’apprécier et observer la longue trace de montée et la face nord du Gouter gravie quelques heures avant.
J’ai repéré le hameau de Bionnassay, tiens, vu d’ici le champ envisagé pour poser me parait vachement moins bien que prévu.Plan B, autour c’est pas mieux voire pire.
Si je résume les minutes à venir, je vais devoir passer sous le vent de la face du Nid D’aigle puis poser vent de cul avec la brise, le champ est entouré de grands épicéas et une petite ligne électrique le traverse, un peu plus haut. Je suis au top (on ne peut pas penser à tout ) Heureusement, j’ai encore de la marge pour aller plus loin.
Quelques tours pour me rassurer sur les conditions à l’attéro envisagé (j’avais pris soin d’installer deux rubalises sur des poteaux près du champ).Les rubalises sont quasi immobiles, décision est prise, un posé brise de cul sera l’aboutissement de mon vol.Je découvre les basses vitesses avec Susi, nickel, un glissé dans l’herbe mouillée sur mes deux pieds méritant largement un 8/10, et en quelques secondes je suis assis dans l’herbe, le sourire d’un bien heureux accroché au visage .il est 11h45.
14h45 je suis à la maison, j’adore quand un plan se déroule sans accrocs.
Life is beautiful….
Refuge du Gouter à 3800m
Au-dessus du Dôme du Gouter
En arrivant à Vallot
Passage dans les séracs
Puis quelques images de l’objectif principal de cette montée.